Je suis partagée entre la tristesse, la colère et la honte

Mort in utero – témoignage de Nuran, qui a suivi un parcours individuel chez Agapa

L’annonce

Le 8 avril 2022, je me suis rendu à mon échographie morphologique, un rendez-vous que l’on attend avec impatience, celui où l’on rencontre à nouveau notre bébé, celui on l’on nous confirme le sexe du bébé.

Et pourtant le 8 avril 2022, la gynécologue confirme mes doutes, mon bébé ne vit plus, son cœur s’est arrêté. Des semaines que je ne sentais plus trop ses mouvements, des semaines que je voyais la taille de mon ventre se réduire, des semaines que je tentais de me rassurer, que mon entourage tentait de me rassurer, des semaines qu’au fond de moi j’avais ressenti que mon bébé ne vivait plus.

Lorsqu’elle me l’a annoncé j’ai été comme soulagé une demi-seconde… c’est bon je n’aurais plus à m’inquiéter, mais juste après c’est la douche froide, je n’arrive pas à accepter ce que je suis en train de vivre. Pourquoi moi ! J’ai dû faire quelques choses de mal !

Les jours suivants

Les jours qui ont suivi se sont déroulés à l’hôpital, mon cerveau essaye de rejeter toute information de ce que je suis en train de vivre, comme s’il cherchait à anesthésier la douleur de ce triste évènement. Durant 5 jours, les médecins, infirmières, sage-femme, se relaient pour m’expliquer ce qui a dû se produire, sans certitude, seul l’autopsie pourra révéler, ou non, ce qui a causé la mort de mon bébé.
Le 11 avril j’accouche. Bien que ce soit recommandé, je ne désire pas voir mon bébé, je veux garder en mémoire les images de l’échographie et non les images de son corps sans vie.

Je rentre chez moi, je range ses affaires. Les jours passent, j’ai l’impression que j’accepte bien la situation, que je m’en remets plutôt bien, je me projette même pour une autre grossesse. Pour penser à autre chose, je fais des travaux, je m’occupe l’esprit mais ce n’est plus suffisant, 1 mois passe et là, je vis ce que l’on appelle le contre-coup, j’ai l’impression que de jour en jour mon état s’empire, je me demande si je vais réussir à m’en remettre, je suis partagé entre la tristesse, la colère et la honte. Je culpabilise même d’y avoir cru, de l’avoir annoncé à tout le monde… Je me sens si mal, l’attente des résultats est longue, j’ai besoin de comprendre ce qui m’est arrivé. Mon bébé occupe mon esprit 24h/24, je rêve d’elle, je revois les scènes traumatisantes dans ma tête, impossible de retrouver le sourire, je vis un très très gros chagrin.

Le parcours Agapa

Une assistante sociale de la CAF me contacte et m’explique que j’ai la possibilité de faire appel à l’association AGAPA, spécialisée dans le deuil périnatal. Je les contacte par mail dans un premier temps. Je suis rapidement prise en charge par une accompagnatrice formidable. Elle m’explique très clairement le processus sur 18 séances, avec des exercices à chaque rendez-vous.
Durant le suivi, j’ai traversé 3 phases importantes, la première a fait ressortir toute la tristesse que je vivais, beaucoup de larmes, de colère. S’en est suivi une phase d’apaisement, où j’ai pu bizarrement sublimer ce que j’avais vécu. J’ai pu accompagner mon bébé de façon symbolique, et lui dire au revoir, puis finalement j’ai traversé cette 3ème phase où j’ai pu me pardonner et accepter…

Aujourd’hui

Aujourd’hui je suis fière de moi, même s’il m’arrive d’avoir quelques larmes de tristesse de temps en temps, j’ai surmonté cette douloureuse épreuve pour mon bébé, pour qu’elle ne se sente pas coupable de n’avoir pas pu venir au monde. Je ne connais toujours pas la raison de son décès, mais j’ai compris que ce n’était pas de ma faute.

Les gens fuient souvent le sujet, ou la banalisent, et pourtant c’est l’épreuve la plus dure que j’ai eu à traverser jusqu’à maintenant. Ce bébé a existé, elle est même inscrite à l’état civil, on l’a aimé, et on l’aimera toute notre vie.

Je sais qu’à l’instant où j’écris ce témoignage d’autres femmes sont en train de vivre ce que j’ai vécu, et je veux qu’elles comprennent qu’elles ne doivent pas se taire, leur histoire n’est pas un tabou, elles ne sont pas responsables, ça arrive malheureusement très souvent et sans raison particulière. Elles ont le droit de dire qu’elles vont mal, qu’elles sont tristes et qu’elles sont en colère. Mais surtout j’ai envie de leur dire que le chemin est un peu long, mais on s’en remet, la douleur s’apaise, et l’on en ressort avec une sacrée carapace.

Il faut surtout ne pas rester enfermée dans sa douleur, et ne pas culpabiliser d’avoir envie d’aller mieux, faire le deuil de son bébé c’est aussi une forme de maternité comme me le disait mon accompagnatrice.